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DEUX "PREMIERS" SOLOS, L'UN EN PLANEUR, L'AUTRE EN AVION

Deux premiers solos, l'un en planeur, l'autre en avion
Deux premiers solos, l'un en planeur, l'autre en avion

Deux « premiers solos », l’un en planeur, l’autre en avion.

31 août 1956, sur le champ d’aviation de Namur/Temploux, ONNR devenu EBNM. L’instructeur, Jean Evrard, fait ses dernières recommandations à un gamin de quinze ans, qu’il a aidé à s’attacher dans le Grunau Baby. L’élève n’en mène pas large, rien n’est familier. L’écolage s’est passé dans un Ka-2, superbe biplace à la pointe du progrès, mais le lâcher se passe dans un tout autre environnement. Pas de verrière, juste un demi-cercle de plexi. Le Baby a été conçu avant la guerre, le cockpit ouvert assure une bonne perception de la qualité des virages. Qu’on glisse ou dérape, la casquette s’envole. C’était avant l’invention du fil de laine collé sur la verrière. Ce planeur a la couleur de la brique, on dit qu’il en a aussi la finesse.

Devant le planeur, un Tiger Moth, surplus de la RAF. L’instructeur, qui tient l’aile, fait un signe, relayé par le wingman pour le pilote de l’avion. Pas de radio en ce temps-là ! Le « tigre mou » avance, la corde de chanvre se tend, le patin du planeur glisse sur l’herbe, et très vite le Baby décolle, bien plus vite que le Ka-2. Il faut le garder près du sol, pour que le Moth puisse accélérer et décoller.

Le remorquage est sans histoire. A 500m de haut, le Moth bat des ailes, l’élève tire deux fois la boule rouge, le câble part devant et le planeur dégage à gauche. C’est la grande solitude ! Quelques virages, et il est temps de passer en vent arrière puis en base. « Viens bien haut », a dit M. Evrard, le Baby chute vite, il faut passer par-dessus le barbelé à vaches au seuil de piste.

L’atterrissage se passe bien, très long mais Liliane est déjà là, au volant du vieux Bedford, lui aussi ex-RAF, et ce premier solo est suivi d’un deuxième, condition d’obtention du Brevet B de vol à voile.

Deux premiers solos, l'un en planeur, l'autre en avion

En 1956, c’est la guerre froide, la Force Aérienne belge reçoit par centaines des Meteor, Hunter, Thunderjet. Quant à la Sabena, elle se développe rapidement. Les anciens de la RAF qui forment l’essentiel des équipages vont se raréfier, il faut former rapidement des centaines de pilotes, et l’État a lancé un vaste programme de formation au vol à voile pour les jeunes garçons, à St Hubert (EBSH) et à Temploux. L’approche est sexiste : il y a un seul dortoir, les filles ne sont pas invitées ! Une circulaire a été distribuée à l’athénée (=gymnase), Papa a dit oui tout de suite, et je me suis retrouvé à Temploux.

Les avions m’ont toujours fasciné. Pourtant, nos rapports ont mal commencé : mon plus ancien souvenir, vers trois ou quatre ans, est la descente dans les bras de Papa à la cave du charbonnage voisin, en pleine nuit, alors que la RAF essayait en vain d’écraser la centrale électrique alimentant Charleroi. Puis les Allemands sont partis, les Américains ont occupé l’aérodrome de Gosselies (EBCI), ils logeaient chez les habitants dont les maisons étaient encore debout, et j’ai mangé ma première orange et ma première barre de chocolat Hershey, j’en connais encore le goût.

Les GI’s sont partis, la paix est venue. Nous allions à Gosselies, voir les Spitfire XIV et les Meteor, on pouvait monter à la tour pour avoir une belle vue et papoter avec le contrôleur, qui s’ennuyait ferme. Nous allions à vélo à Florennes (EBFS), voir les Thunderjet puis les Thunderstreak du 2ème Wing, c’est là que nous fûmes aux premières loges pour voir un F84F s’écraser en finale, sans dommage pour le pilote.

Premier vol avec mon grand-père lors d’un meeting à Melsbroek (EBBR), dans un DC3 de la Sabena. On décolle, on décrit une boucle autour de Bruxelles, et on atterrit. Grand-père, dont c’était aussi le premier vol, avait la frousse. Souvenirs, souvenirs.

Mon deuxième solo eut lieu trois ans plus tard. Une circulaire proposait de passer deux mois chez les membres d’un service-club des USA, une semaine par famille, j’ai été sélectionné et suis parti en juillet 1959 dans une petite ville proche de Philadelphie.

Mon intérêt pour l’aviation fut très bien accueilli, ce qui m’a valu des heures de simulateur au Science Museum, une visite médicale FAA pour obtenir un Student Pilot Certificate (mentionnant « normal male » !), la visite de l’usine Piasecki (devenue Boeing Vertol), un vol en Navion à partir d’une piste privée, un long vol en taildragger Cessna (180 ?) à une réunion de Flying farmers, l’achat d’une combinaison de l’USAF dans un surplus (je l’ai toujours), et j’en oublie.

Après un vol en J3 Cub comme élève, les membres du club se sont cotisés pour m’offrir d’autre leçons, jusqu’au solo. Le terrain de West Chester était en cailloux, le hangar était juste un abri, mais le Cub était mon tapis volant, et Bob Shannon, l’instructeur, un demi-dieu. Le solo s’est limité à quelques petits tours seul autour du terrain, qui est devenu le Brandywine executive airport, avec une belle piste, des jets, et plus d’âme. Bob est parti créer une autre piste en cailloux un peu plus loin. J’ai une énorme dette de reconnaissance pour ces amis qui m’ont permis de vivre cette aventure. Je reste en contact avec certains de leurs enfants, vieux comme moi.

Soixante-six ans plus tard, chaque décollage me procure la même émotion que lors de ces solos, et chaque atterrissage la même appréhension : dans ma tête, il y a toujours une clôture de barbelés en seuil de piste.

Deux premiers solos, l'un en planeur, l'autre en avion
Deux premiers solos, l'un en planeur, l'autre en avion
Autheur : Jean Claude Dispaux

Article rédigé par Jean Claude Dispaux

Contact: jc@dispaux.net